Angel Olsen / Emily Jane White / Eleni Mandell – Divan du Monde (26/03/2014)


Par François Girodineau et Dominique Grass

Voilà plusieurs années maintenant que le festival Les femmes s’en mêlent propose, à Paris, en province ou à Göteborg, une musique « féminine indépendante » qui a généralement tendance à nous ravir. C’est dans ce cadre que le Divan du Monde accueille ce soir une programmation Folk à frange obligeant les hommes que nous sommes à s’en mêler, avec en introduction l’espiègle Eleni Mandell.

Seule au chant, avec sa petite guitare sèche à paillettes et sa robe à fleurs serrée jusqu’au cou, la californienne a la lourde tâche de débuter le set pour ramener vers la scène un public agglutiné jusque-là au bar. Or, très vite, elle parvient à nous faire oublier la production un peu trop riche et américaine de ses derniers albums (I Can See the Future, 2012 ; Let’s Fly a Kite, 2014), n’en conservant que la mélancolie passagère et une énergie assez communicative. Son talent repose principalement sur une voix puissante et sur un jeu de guitare oscillant entre Folk, Jazz et Country. Un savant mélange entre PJ Harvey écorchée, Suzanne Vega champêtre et Emmylou Harris un peu moins Country-Hardcore, quand même.

Eleni Mandell est une femme apparemment sage qui, si elle n’arrête pas de parler de ses deux enfants entre les morceaux, rappellera aux quelques mecs de la salle qu’elle n’est pas pour autant mariée, leur donnant rendez-vous après le concert au premier étage, où elle ira vendre ses vinyles en s’abandonnant à quelques Huggs bien mérités. Malheureusement, ce premier concert hyper millimétré ne laisse aucune place pour le rappel d’une chanteuse parvenue au fil des titres à captiver son auditoire. Lequel, on le savait déjà, est impatient d’admirer la deuxième folkeuse du festival, celle qui fait le buzz en ce moment sur la place parisienne.

« Are you lonely tooooo ? » se demande Angel Olsen dans « Hi Five », titre inaugural entonné devant une foule sentimentale, pressée de voir le nouveau phénomène dont le dernier album, Burn Your Fire For No Witness, a été salué par une critique unanime (chronique sur à lire sur Le Bazar). Ce soir Angel et son groupe semblent eux aussi bridés par la nécessité de ne pas sortir du cadre contraint d’une programmation festivalière, et de cette forme de dictature molle du respect impératif de la durée qu’une telle organisation impose : il y a eu un avant, il y aura un après, à peine as-tu une toute petite heure pour briller et donner crédit à la réputation qui te précède. Angel Olsen berce sa Fan-base de sa mélancolie Americana sans démagogie ostentatoire. Reste à savoir si sa discrétion apparente est un mélange de pudeur, de fragilité non feinte, avec une forme de colère rentrée contre quelques égarements du groupe, ces regards appuyés envers sa bassiste aux doigts patauds.

Sur les premiers titres, la voix d’Angel trahit une agressivité presque maladroite. Devant ses croyants, la nouvelle prêtresse Folk frôle l’apostasie générale avec un « Lights Out » à l’ambiance lourde, presque accablante. Mais le vent des hautes plaines revient pour un superbe et alangui « Tiniest Seed » (tiré de Half Way Home, premier album) avec en signature une guitare aux accents Midwest lancinants.

Puis la solitaire se retrouve seule sur scène, à susurrer « White Fire », titre déjà fétiche et qui lui vaut les comparaisons les plus intimidantes avec d’autres maîtres du Songwriting. Sur un ton faussement monocorde, Angel Olsen évoque une passion aveuglante dont l’intensité ne se consume plus qu’en regrets innombrables et presque indéchiffrables. Il y est question de fautes humaines trop humaines, de l’inconvénient d’être né. Plus besoin de crier, Angel chuchote. Son église entre en grâce. A ce moment-là, peut-être cessons-nous d’être une foule de spectateurs plus ou moins attirée par le buzz. A ce moment-là, peut-être devenons-nous une fugitive assemblée d’âmes, au soutien d’un ange perdu, dans un chœur miraculeusement silencieux. A ce moment-là, peut-être chacun d’entre nous trouve en soi un écho à cette question qui hante l’ange, comme elle te hante, comme elle me hante. Oui. Je suis seul aussi. Et toutes les mains se dressent. « High five« , Angel.

Suite à venir.

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